LES MESURAGES : LOI CARREZ ET SURFACE HABITABLE
C’est de la loi Carrez du 18 décembre 1996 que nait la notion de superficie privative d’un lot en copropriété́.
Cette loi Carrez et son décret d’application du 23 mai 1997 rendent obligatoire la mention de cette superficie dans toute
promesse ou compromis de vente d’un lot en copropriété́.
C’est une obligation lourde qui incombe au vendeur, et par conséquent au notaire, puisqu’à défaut, la transaction peut être
annulée. De plus, l'acquéreur pourra bénéficier d'une compensation financière si la superficie privative réelle s'avère être
inférieure de plus de 5% à celle mentionnée dans l'acte (ou promesse) de vente.
Cette superficie privative est définie par l'article 4-1 du décret du 23 mai 1997 comme étant la surface des planchers des
locaux clos et couverts d'une hauteur supérieure à 1,80 mètre, déduction faite des murs, cloisons, marches et cages
d'escalier, gaines, embrasures de portes et de fenêtres.
Sont exclus du calcul :
Les caves, les garages, les emplacements de stationnements (boxes et places de parking), les ventes sur plan (qui sont
soumises à l'article R 261-13 du Code de la Construction), les terrains à bâtir, les maisons individuelles.
La définition de la surface privative peut paraitre relativement simple mais ne l'est pas forcement. En effet, les aménagements
inhérents à la vie d'appartement (abattements de cloisons, aménagements de placard dans des cheminées ou embrasures de
portes, etc...) posent des problèmes techniques et juridiques que seul un professionnel saura résoudre.
La loi CARREZ pose parfois plus de questions qu'elle n'apporte de réponses : cette cave réaménagée en réserve, doit-elle être
prise en compte ? Cette mezzanine, construite sans autorisation de la copropriété́, faut-il l'inclure ? Cette passerelle entre
deux bâtiments, devenue pièce à vivre, faut-il l'exclure ?
Ce diagnostic technique de métrage engendre beaucoup d’incertitudes et de débats puisqu’il nécessite une analyse poussée
des lieux et de leur usage. La responsabilité́ du diagnostiqueur est fortement engagée à l’occasion du métrage car c’est à lui
que revient la tâche d’analyser les composantes techniques du lot en question afin de répondre à la définition légale de la
superficie privative.
I – Les évolutions jurisprudentielles récentes
La question à trancher est la suivante : le mesurage doit-il porter sur un lot de copropriété́ conforme à sa désignation inscrite
à l'état descriptif de division –impliquant alors une analyse juridique poussée pour le technicien – ou bien porter sur le lot tel
qu'il se présente matériellement selon l'état des lieux ?
Concernant l’analyse juridique des lieux mesurés.
Plusieurs décisions jurisprudentielles rappellent que le diagnostiqueur n’est pas un homme de droit. Un arrêt de la Cour de
Cassation du 18 septembre 2013 réitère que le technicien n’est pas tenu de faire l’analyse juridique du lot, cela ne ressort pas
de sa mission de métrage.
Cette position vient d’ailleurs d’être confirmée par un arrêt du 06 mai 2014 par cette même Cour de Cassation dans lequel, la
justice a donné tort à un acquéreur qui réclamait la réduction du prix de vente en soutenant que le technicien
ayant effectué le mesurage avait compté la surface d'une mezzanine clandestine, qui n'existait dans aucun
document, qu'il s'agisse de l'acte de vente, du règlement de copropriété ou de l'état descriptif de division de
l'immeuble.
Si le diagnostiqueur est tenu d’avoir une analyse technique de la disposition et de l’usage des lieux, il ne doit pas pour autant
supporter toute la responsabilité́ d’une erreur de superficie mentionnée à l’acte de vente. En effet, il n’appartient pas au
diagnostiqueur de trancher toutes les questions et tous les problèmes que le métrage révèle.
Cela est d’autant plus vrai que la plupart du temps le mesureur n’est pas en possession du règlement de copropriété́ et de
l’état descriptif de division. Il ne connait pas non plus l’histoire de l’immeuble et ne détient pas les derniers procès-verbaux
d’assemblée générale qui pourraient encore changer la donne.
Des arrêts récents – et notamment celui de la Cour de Cassation de mars 2009 –affirment que le notaire, en sa qualité́
d’homme de droit, a le devoir de vérifier la cohérence du métrage avec les éléments juridiques du bien. Une fois la mesure
prise, il lui appartient de déterminer la consistance du bien vendu, en distinguant les parties communes et privatives et de
définir si la superficie de telle ou telle pièce doit être déclarée à l’acte ou non.
Par exemple, il appartient au notaire de vérifier la cohérence du métrage par rapport à la superficie indiquée dans le titre de
propriété du vendeur.
Les juges reconnaissent que la tâche du notaire ne consiste pas à « annexer » le certificat « loi CARREZ » à l'acte de vente mais
bien à analyser juridiquement les éléments en sa possession.
Ce travail du notaire est d’autant plus important que les divergences peuvent être fréquentes entre différents diagnostics
réalisés, soit en raison d'erreurs de calcul, soit parce que les professionnels successivement intervenus n'ont pas eu la même
analyse : certaines parties du lot ont été incluses dans un premier métrage, mais ne l'ont pas été dans un second.
Concernant les surfaces à prendre en compte par le technicien.
La jurisprudence a souhaité tenir compte des mouvements de transformation des lieux d’habitation et de commerce. En effet,
on constate qu’assez souvent, certains espaces sont réaménagés pour répondre au besoin d’espace en ville. C’est le cas des
caves notamment.
Les premières décisions de Cours d'Appel excluaient généralement du décompte de surface Loi Carrez, s'en tenant au plus
près du texte, mais cette position a évolué au fil du temps.
Par un arrêt du 13 avril 2005, la Cour de Cassation a déclaré qu’il convenait de tenir compte essentiellement de « l'unité
d'habitation » dans le mesurage, telle qu'elle se présente matériellement.
Le 5 décembre 2007, un arrêt rendu par la Cour de Cassation stipule qu’en présence d'un règlement de copropriété contraire
à l'aménagement des lieux, il fallait prendre en compte exclusivement la destination matérielle des lieux et inclure dans le
calcul des surfaces une cave transformée, même si elle l’a été irrégulièrement.
Pour suivre ce courant jurisprudentiel, un arrêt du 05 mai 2009 affirme qu’il n’appartient pas au diagnostiqueur de définir les
parties communes à usage exclusif et les parties privatives. Dans un arrêt du 13 octobre 2009, la Cour d’Appel d’Aix-en-
Provence, elle, juge que le technicien qui n’était pas en mesure de se procurer le règlement de copropriété n’avait pas
commis de faute dans le relevé des surfaces. Une décision du TGI de Bordeaux du 11 mars 2014 va même plus loin et
reconnaît qu’en l’absence de tout élément de nature à faire douter le technicien du caractère strictement privatif des zones
mesurées, il n’est pas tenu de solliciter le règlement de copropriété.
N’ayant pas toutes les données ni tous les documents utiles en sa possession, les juges confirment que le technicien doit se
contenter de prendre en comptes les surfaces telles qu’elles se présentent matériellement au moment de la vente. Ainsi par
un arrêt du 2 octobre 2013, la Cour de Cassation donne bon droit au diagnostiqueur qui avait pris en compte dans la
superficie le local situé au sous- sol, annexe de la pièce du rez-de-chaussée, qui n’était plus une cave comme le stipulait le
règlement de copropriété mais avait été aménagé et transformé en réserve ( « ...peu important notamment que le règlement
de copropriété n'ait pas été modifié pour tenir compte des modifications intervenues. »)
Il en résulte que, quelles que soient les mentions portées à l'acte de vente ou le contenu du règlement de copropriété, un
sous-sol directement relié au rez-de-chaussée et aménagé n'est plus considéré comme une cave « stricto-sensu » mais
devient un local mesurable au sens de la Loi Carrez.
Bien évidemment, le diagnostiqueur conserve son obligation de conseil et doit rester vigilant. S’il doit prendre en compte les
surfaces telles qu’elles apparaissent le jour du métrage, il doit néanmoins donner au notaire toutes les données qui lui
permettront de définir juridiquement les surfaces. Cela implique alors nécessairement que le diagnostiqueur ait détaillé
clairement les surfaces relevées. Si des éléments factuels laissent penser que les surfaces relevées ne correspondent pas à la
définition établie par la loi Carrez, le diagnostiqueur devra l’indiquer et émettre des réserves explicites.
Le TGI de Bordeaux, lors de son jugement en mars 2014, a reconnu valable les réserves émises par le technicien dans son
certificat concernant les surfaces prises en compte et à leur affectation dans le règlement de copropriété. Le certificat
stipulait « nous certifions que la superficie privative loi Carrez est bien de 58,27 m2, sous réserve de communication et de
vérification du règlement de copropriété relatif à la description et répartition du ou des lots ainsi qu’aux éventuelles
modifications apportées par le cédant. »
Ces réserves constituent le meilleur moyen pour le diagnostiqueur de se protéger contre l’engagement de sa responsabilité.
Cela invitera le donneur d'ordre à faire vérifier les éléments retenus par un juriste professionnel (notaire ou autre).
II – Les nouvelles dispositions de la loi ALUR
La superficie privative se distingue de la superficie habitable définie par la loi Boutin du 25 mars 2009, d’un point de vue légal
et technique. La première se calcule pour les ventes de lots en copropriété uniquement, la seconde était jusqu’à présente
indiquée dans tous les baux.
La différence technique fondamentale entre ces deux superficies réside dans le fait que la loi Boutin ne tient pas compte des
combles non aménagés, des sous-sols (y compris les caves), remises (y compris les garages), terrasses, loggias, balcons,
séchoirs extérieurs au logement, vérandas (et volumes vitrés), locaux communs et autres dépendances des logements.
La loi ALUR du 27 mars 2014, dans son article 54 II et V, confirme l’exigence de production d’une attestation loi Carrez dans le
compromis et l’acte de vente.
Mais elle introduit également à l’article 46 de la loi du 10 juillet 1965 l’obligation de mentionner la surface habitable des lots
mis en vente sous peine de sanctions.
La mention de cette superficie était déjà imposée dans les baux d’habitation depuis la loi du 25 mars 2009. Cependant, la loi
ALUR vient sanctionner sévèrement l’absence ou l’erreur de surface habitable indiquée au bail.
Les notions de « superficie de la partie privative » et de « surface habitable » seront redéfinies par décret prochainement.
Néanmoins, les sanctions applicables à l’absence ou à l’erreur de superficie privative dans l’acte authentique de vente ne
s’appliquent pas à la surface habitable pour le moment.
En matière de vente, cette obligation entre en vigueur pour toutes ventes conclues trois mois après la promulgation de la loi
ALUR, soit le 27 juin 2014.
Pour les baux d’habitation, les nouvelles dispositions sont encore soumises à décret et il faudra attendre leur parution pour
qu’elles entrent en vigueur.
Le diagnostiqueur devra donc établir ces deux métrages, avec les mêmes contraintes, analyser techniquement l’état du lot
afin d’inclure ou non les superficies mesurées.
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